Drame (France, 2017, 3X55 min)
Réalisation : Laetitia Masson,
Scénario : Laetitia Masson,
Photographie : Eric Dumont
Avec... Mélodie Gualteros (Aurore enfant) , Elodie Bouchez (Aurore adulte), Ella Brunetto (Maya enfant), Lolita Chammah (Maya adulte), Aurore Clément (Madeleine, mère d'Aurore), André Wilms (père d'Aurore), Ambre Hasaj (fille d'Aurore), Maurice Greene (Léonard), Philippe Rebbot (François Ravel), Anna Mouglalis (Lila), Hélène Fillières (Sandrine Leroy)...
Musique : Bruno Coulais
Production : Arte
Synopsis :
Le récit débute avec Aurore, âgée de 10 ans, livrée à elle-même, pendant que sa mère se donne aux hommes pour arrondir les fins de mois. Pour une histoire de biscuit, la jeune fille tue accidentellement le frère de Maya. Le drame va marquer à jamais l'enfance de ces deux enfants. Entre culpabilité et vengeance, la fiction d'Arte explore deux destins brisés. Au bout du parcours, la rédemption et le pardon seront-ils possibles ?
...Deux enfants sur une scène de crime. L’une est coupable, l’autre est la petite sœur de la victime, un témoin involontaire de la scène.
20 ans plus tard, la première essaie d’oublier. La seconde n’a jamais oublié. Quand leurs chemins se recroisent, tout se rejoue. Est-il possible d’échapper à son passé ?
Dans la presse...
Depuis 3 × Manon, de Jean-Xavier de Lestrade, diffusée sur Arte en 2014, nous n’avions plus rien vu d’aussi fort, de dérangeant et de bouleversant, en matière de fiction française. La comparaison s’arrête là. Même si, dans Aurore, il est également question d’enfance esquintée, de reconstruction et de résilience, la minisérie de Laetitia Masson nous conduit dans l’univers propre d’une cinéaste dont la réalisation vise à mettre à distance le réel. Sa manière à elle de mieux l’appréhender. Le premier plan a toujours une importance folle. Ici : une petite silhouette en tutu rose, baskets aux pieds, lunettes en cœur sur le nez, tournoie dans un décor trop grand, trop vide pour elle. Aurore, 10 ans – Lolita haute comme trois pommes, laissée à l’abandon par une mère prostituée qui rêve de devenir danseuse – sèche l’école et distrait ses heures à traîner. Seule ou avec le copain Chris, courant après n’importe quelle connerie pourvu qu’elle occupe. Les Quatre cents coups, plus de cinquante ans après Antoine Doinel, en quelque sorte ! L’enfance en errance ne mène nulle part. Ou plutôt si : dans un centre pour délinquants mineurs chez François Truffaut ; dans un établissement pénitentiaire chez Laetitia Masson. Parce qu’un soir, croisant Paulo et sa petite sœur Maya en train de manger des gâteaux dans un entrepôt, Aurore ne supportera pas qu’ils refusent de lui en offrir un. Alors, elle étranglera Paulo.
L’histoire que nous raconte Aurore est partie d’un fait divers des années 1960 concernant le meurtre de deux enfants par une gamine. Il a conduit la réalisatrice à s’interroger sur l’impact que pouvait avoir l’éducation sur un enfant. Et la responsabilité de la société dans cette affaire. Laetitia Masson a voulu explorer, comprendre, analyser ce que peut entraîner l’absence de repères. Elle n’y est pas allée par quatre chemins. Elle a tenu à filmer et montrer le crime. Surtout, elle a su l’amener tel qu’il le fallait, comme une suite logique de ce qui a précédé. Aurore en train d’étrangler un gosse pour un gâteau, guidée par un « pur » instinct animal ; au risque de choquer, la scène n’étonne pas plus que cela. Parce que chacun connaît, au fond, cette violence et cette cruauté enfantines. Chez Aurore – pour qui l’étreinte maternelle passe d’abord par une gifle et des cris –, le passage à l’acte surprend encore moins.
Filmée dans le sud de la France, la minisérie de Laetitia Masson pose son cadre sur des décors de partout et d’on ne sait où. Des décors d’étendues désertes, de barres d’immeubles, d’entrepôts en ruine dans lesquels chaque individu paraît une fourmi. Un insecte dans un bocal. Destiné à une solitude profonde. Dans Aurore, la réalité est crue. A l’image, elle s’exprime par l’utilisation de couleurs primaires claquantes, travaillées comme en peinture, à la manière d’un Godard des années 1960. L’esthétique donne le recul nécessaire à la réflexion. Laetitia Masson le sait qui ne s’interroge pas tant à « ce qui est raconté » mais « à la façon de le raconter ». Son travail passe par des choix qui nous éclairent. Des choix qui ne marchent sur les plates-bandes de personne. Tels ceux, par exemple, qui la guident dans ses castings vers des comédiens rares, dont on a le sentiment qu’ils jouent comme ils respirent, parfois avec urgence. Tous ces partis pris contribuent à cette sensation que l’on éprouve, en regardant Aurore, de vivre une expérience nouvelle.
Véronique Cauhapé, Le monde
Arte propose ce soir d’avaler d’un coup les trois épisodes de la première série de la réalisatrice Laëtitia Masson. L’histoire de deux femmes qui se retrouvent des années après le crime commis par l’une d’elles, à l’âge de 10 ans.
Un thème rare, l’enfance meurtrière, fait de la première série de Laetitia Masson (En avoir ou pas, A vendre, Love me, au cinéma) une œuvre très singulière.
Aurore est un drame lyrique qui possède dès les premières minutes un pouvoir de fascination puissant. Malgré son maniérisme. Ou peut-être grâce à ce maniérisme, au fond. La beauté de la photo, l’éclat des couleurs, le soin apporté aux costumes, à la musique, et le ton artificiel de certains des enfants acteurs tiennent un peu la violence du propos à distance.
Ce conte cruel se déroule en trois actes de 52 minutes, dans la blancheur crue des marais de Camargue, pour commencer. Des gamins jouent. Une petite fille brune (Aurore) et un garçon blond d'une dizaine d'années (Chris). Elle est sauvage, frondeuse. Il l’admire. On la suit chez elle, dans leur cité, le temps de découvrir sa mère, danseuse et prostituée. Elle « a du travail » et flanque la petite à la porte.
Revoilà Aurore dehors, morte de faim, avec Chris et deux autres enfants, Paulo 4 ou 5 ans, et sa petite sœur Maya, qui peine à les suivre. Paulo balade un paquet de gâteaux dans un bloc d’immeubles en friches. Aurore en veut. Paulo dit non. Échange de coups. Elle grimpe sur lui, met ses mains à sa gorge, l’étrangle. Sous les yeux de Chris, paralysé, et de Maya, cachée dans un coin.
Le 2e chapitre de l’histoire démarre vingt-cinq ans plus tard. Aurore, la petite meurtrière, vite confondue après les faits, a purgé sa peine dans un établissement de rééducation. Rebaptisée Laura, elle travaille dans un restaurant. Un journaliste qui ne s’encombre pas de scrupules reconnaît en elle la gamine médiatisée des années plus tôt et balance sa photo et son histoire à la une de son journal.
Virée de son boulot, elle prend la fuite, avec sa fille Rose. Maya, la sœur de Paulo, se lance sur sa trace. Le 3e acte scellera leur rencontre…
Tout en tension, Élodie Bouchez et Lolita Chammah incarnent ces deux femmes à l’enfance brisée, aussi inquiétantes l’une que l’autre, dans un film qui glisse alors vers le road-movie, voire le western, sous le soleil du midi.
Aurore Clément, qu’on n’avait pas vue depuis longtemps à l’écran, incarne la folle mère d’Aurore devenue vieille. Hélène Fillières, Anna Mouglalis et André Wilms, acteur cher à Aki Kaurismäki, sont aussi au casting de cet ovni, à mi-chemin entre le cinéma à la série, qui interroge sur la responsabilité des adultes dans la violence des enfants, sur la vengeance, et aussi sur la possible rédemption.
Pascale VERGEREAU, Ouest France
Vu en janvier 2018 (ARTE TV)