Films, Musiques & Livres

Lamb

Aventure (Ethiopie, 2015, 94 min)

Réalisation :  Yared Zeleke

Scénario : Yared Zeleke, avec Géraldine Bajard

Avec... Rediat Amare : Ephraïm, Surafel Teka : Solomon, Welela Assefa : Emama, Rahel Teshome : Azeb, Kidist Siyum : Tsion

Image : Josée Deshaies

Musique : Christophe Chassol

Son : Heinrich Röllinghoff, Rainer Heesch

Montage : Véronique Bruque

Production : Ama Ampadu, Slum Kid Films; Gloria Films, Heimatfilm

Costumes : Sandra Berrebi

 

Synopsis

A la mort de sa mère, Ephraïm, un garçon éthiopien de 9 ans, toujours accompagné de sa brebis Chuni, est confié à des parents éloignés par son père, contraint de chercher du travail en ville. L’enfant, ayant des dons certains pour la cuisine, s’adapte mal à sa nouvelle vie. D'autant qu'un jour son oncle lui annonce qu’il devra sacrifier sa brebis pour le prochain repas de fête. Très inquiet, Ephraïm décide alors d’élaborer un stratagème pour sauver sa chère brebis et retourner chez lui. En vendant des samoussas de sa fabrication sur le marché, il espère rapidement réunir assez d'argent pour se payer un voyage en bus...

 

Dans la presse... 

Tendre comme un agneau

Il est rare de voir émerger des films éthiopiens en sortie internationale et "Lamb" nous parvient sur les écrans français grâce à la 68e édition du festival de Cannes. Repéré par le comité de sélection de Thierry Frémeaux et intégré parmi les retardataires dans la catégorie Un Certain Regard, "Lamb" fait partie de ces attachants petits films d’auteur, tels que "Wadjda" ou "Pelo Malo", dépeignant avec justesse les mœurs difficiles de certains pays méconnus à travers des regards d’enfants.

On ne sait pas si cet amour est réciproque, mais le petit Ephraïm adore sa brebis couleur chocolat. Il l’a appelée Chuni et ne la quitte jamais des yeux. Il vit dans une contrée très aride de l’Ethiopie où la famine, qui a emporté sa mère, fait rage. Dans ces conditions, avoir du bétail comme animal domestique suscite bien des convoitises. Le père d’Ephraïm le sait et le lui rappelle d’ailleurs souvent. Mais il sait bien que cette brebis est tout pour son fils. 

Tandis que son père va chercher du travail à la ville, Ephraïm est envoyé chez des cousins, une famille de paysans vivant dans une région agricole bien plus clémente que de là d’où il vient. L’arrivée du garçon n’est pas franchement une nouvelle très réjouissante pour les proches. C’est une autre bouche à nourrir et le savoir plus doué pour la cuisine que pour l’agriculture a le don d’énerver Salomon, le père de famille qui n’accepte pas que son neveu fasse des activités de femmes. Mais, par-dessus tout, il ne comprend pas cet attachement qu’éprouve Ephraïm envers sa brebis, qui finira - il en est convaincu - dans les assiettes de toute la famille pour la prochaine fête chrétienne. Effrayé par cette perspective et peu enclin à rester dans cette famille où il ne se sent pas le bienvenu, Ephraïm se met en tête de vendre assez de samossas au marché du coin pour pouvoir s’acheter un billet retour pour lui et sa bête.

Ce premier film de Yared Zeleke possède deux niveaux de lecture qui siéra au plus grand nombre. Le plus évident est tout l’enjeu d’Ephraïm, admirablement joué par le jeune Redia Amare, à sauver sa bête avec laquelle il entretient une relation attendrissante et captivante. En toile de fond Zeleke capture la culture locale avec détails et finesse. Les clivages religieux sont à peine abordés mais en l’espace de deux petites scènes éloquentes, le réalisateur nous éclaire de la situation. Il en va de même pour la place des genres dans cette société éthiopienne très patriarcale qui n’hésite pas à vouloir marier des pré-pubères. Enfin, sur la forme, on ne peut que saluer le travail de Josée Deshaies (qui a œuvré sur le "Saint Laurent" de Bonnello) dont la photographie magnifie littéralement les paysages montagneux de l’Ethiopie, qu’ils soient arides ou plus verdoyants. Un beau premier film.

Alexandre Romanazzi (blog abusdecine.com)
 

Ce premier film éthiopien (et première sélection de ce pays au festival de Cannes), est un portrait tenace et beaucoup plus retors qu’il n’y paraît d’un enfant d’aujourd’hui dans un pays plutôt secret mais néanmoins splendide. Le réalisateur Yared Zekele, (passé par l’Atelier de la Cinéfondation qui forme et aide les futurs cinéastes du monde entier), ne se laisse en effet pas absorber par la beauté très puissante des paysages, mais s’en sert plutôt pour montrer la force de caractère de son très jeune héros.
Ce dernier n’est effectivement jamais submergé par ces étendues (admirablement éclairées par Josée Deshaies, la géniale chef opératrice des films de Bertrand Bonello). Ce qui ne pourrait être alors qu’un simple et très joli petit « feel good movie » exotique, se révèle être une histoire aux maintes questions fondamentales.
Des questions sur la persévérance d’une personnalité à naître, sans se laisser conditionner par l’appartenance à un genre. Ephraïm apparaît en effet comme un miracle dont les adultes prédéterminés ne savent que faire.
À la fois sous le charme de cet enfant qui enchante accroupi en composant des plats merveilleux, et sous le joug d’une tradition qui veut qu’un garçon ne pratique pas des activités dites de filles, le nouvel environnement du jeune héros oscille entre surprise et rejet. Peu importe, toujours flanqué de sa biquette, l’enfant-cuisinier, objet innocent de transgression et déstabilisation se montre surprenant, sans fatigue, ni découragement. Obstinément combattant et réconciliateur.Lamb est présenté en sélection officielle, dans la section Un Certain Regard, Cannes 2015.