Films, Musiques & Livres

Roman

Continuer / Laurent Mauvignier

Editions de Minuit, 2016Continuer

 

 

 

 

 

 

 

" Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux. Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu’à aujourd’hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.
Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire."

présentation de l'éditeur


 Dans la presse :

Chevauchée de la dernière chance pour une femme et son ado paumé dans la splendeur sauvage des montagnes kirghizes. Epoustouflant.

Deux injonctions s’étalent sur la couverture de ce livre, comme deux lumières dans la nuit, deux repères pour poursuivre sa route. Continuer. Mauvignier. Un titre en forme d’infinitif. Un auteur en forme d’infinitif. A la page M d’un dictionnaire imaginaire, le verbe « mauvignier » aurait sans doute plusieurs définitions. Mauvignier, c’est forer, déceler, déferler, respirer. Et continuer. Voilà dix-sept ans que cet écrivain tient ses promesses, dix-sept ans qu’il avance et nous emmène à sa suite sans jamais décevoir. Son dernier livre, Autour du monde, traçait des lignes et tissait des liens, d’un bout à l’autre du globe, un jour de tsunami. A chaque fois qu’un chapitre se fermait pour passer d’une existence brisée à une vie en reconstruction, le lecteur poursuivait le séjour en secret, s’attardait en pensée dans des lieux trop vite quittés, et se prenait à rêver de prolonger les rencontres.

Avec ce nouveau roman, Laurent Mauvignier exauce ce souhait. Il nous propulse dans les montagnes kirghizes, et s’arrête, s’installe. L’immobilité pour mieux dire le mouvement des choses, la vitesse pour en saisir la paralysie. Tel a toujours été le secret de son écriture, qui dessine ici le parcours accidenté du voyage initiatique d’une Bordelaise avec son fils adolescent, au fin fond de l’Asie centrale. Sibylle a vendu sa maison en France pour payer cette cavale de secours à Samuel, garçon en perdition, déscolarisé, déphasé, désaxé, dont la peur de l’avenir s’est transmuée en peur du présent. Le livre révèle les origines de ce geste d’amour sacrificiel, en suit l’effet 

boomerang après la déflagration, en mesure la portée mystérieuse, aléatoire, aussi destructrice que salvatrice. Rarement Laurent Mauvignier avait osé une telle évidence des sentiments, une telle puissance du don à l’autre. Comme Xavier Dolan dans son film Mummy, il n’a pas peur de s’en remettre à la simplicité de l’émotion, inébranlable point de stabilité au milieu du chaos.

Hymne incomparable à l’amour d’une mère pour son fils, Continuer est aussi un grand livre d’aventures, sauvage et abrupt, d’une splendeur visuelle qui appelle à l’adaptation cinématographique, à moins que Bartabas ne tombe dessus, et ne s’en inspire pour un prochain spectacle. Au plus près de la nature (roche, limon, lac, glacier, forêt) Mauvignier signe un somptueux western où les chevaux sont rois. Doubles des héros, à la fois témoins, soutiens et médiums, ils soufflent et crapahutent, sondent et protègent, se cabrent et se soumettent, mus par des élans de fusion et d’indépendance. Ils habitent les plus belles pages du livre, avec un passage d’anthologie où l’action est décrite par son reflet dans l’oeil d’un cheval. Effet miroir vertigineux, où Mauvignier parvient à dire l’unité de l’homme, de l’animal et du cosmos, malgré la plu­ralité des phénomènes et des cataclys­mes, dont toute son oeuvre littéraire recolle les morceaux.

Samuel doit son prénom à la passion de sa mère pour Beckett. Il connaît cette désintégration totale que provoque l’angoisse de solitude. Sa peur « de se diluer en l’autre, de devenir l’autre » le pousse au rejet de toute différence, au fantasme d’une France blanche, lisse et repliée sur elle-même. Son voyage va lui enseigner qu’il fait partie d’un tout, solide et fourmillant. Ainsi pourra disparaître sa crainte de l’avenir, que Laurent Mauvignier déjoue avec une utilisation passionnante du futur dans ses phrases. Il réserve ce temps au récit des disparitions, des morts, comme pour les retarder, les mettre en suspens, et préserver l’instant d’avant la chute.

Continuer ? On continuera. Attenti­vement, avidement, on suivra cet écrivain en mouvement.

Marine Landrot (Télérama)


 

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L’auteur à succès Laurent Mauvignier publie Continuer aux éditions de minuit. L’ouvrage faisait partie de la sélection du prix du roman étudiant France Culture-Télérama pour cette année 2016. Il a terminé en troisième position dans les votes, derrière l’astucieux L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset et après l’impressionnant lauréat, Gaël Faye, pour son déchirant Petit Pays. Zone critique revient pour vous sur cette attendrissante, et bien méritée, médaille de bronze.

Septembre 2016

Laurent Mauvignier publie pour la première fois en 1999 son roman Loin d’Eux. Depuis, nombre de ses livres ont obtenu d’illustres prix littéraires. Il est même, depuis 2010, chevalier de l’ordre des arts et des lettres, qui récompense ainsi sa riche production. Ecrire à partir de faits réels n’est pas une habitude étrangère à Laurent Mauvignier et Continuer ne déroge pas à la règle. L’intrigue du roman est originale : Sibylle voit son fils Samuel prendre le chemin de la délinquance. Parallèlement, elle considère sa propre vie comme une succession d’échecs. Afin de les réparer tous deux, elle imagine un projet fou : emmener son fils plusieurs mois au Kirghizistan. Cette idée singulière est née dans l’esprit de l’auteur grâce à un article du Monde, publié le 30 août 2014 par Pascale Krémer. Dans ce dernier, intitulé « Au Kirghizistan, la chevauchée initiatique d’un père et son fils », un certain Renaud emmène son fils Tom au pays des chevaux pendant trois mois, dans le but de renouer avec celui-ci, qui commençait à mal tourner.

Un voyage intérieur

Son écriture sobre, dépouillée, et pourtant magnétique et incantatoire, fait exister de saisissants tableaux.

Laurent Mauvignier nous fait ainsi voyager dans les paysages extraordinaires du Kirghizistan. Son écriture sobre, dépouillée, et pourtant magnétique et incantatoire, fait exister de saisissants tableaux. De même, on décèle une certaine connaissance des us et coutumes, du mode de vie et de l’identité de ce pays où un homme « qui n’a pas de cheval n’a pas de pieds ». Malgré cela, le véritable voyage est celui de l’intériorité des personnages qui ont eu besoin de ce cadre (ou de ce hors-cadre, selon le point de vue) pour se réfléchir, pour se penser et surtout pour se raconter.

Sibylle fait le constat de la perte prochaine de son fils lorsqu’elle apprend qu’il s’est enfoncé un peu plus loin dans la délinquance. Samuel, en plein décrochage scolaire, a fini au commissariat de police après une soirée alcoolisée qui s’est mal terminée. Sybille n’est pas en meilleure forme. Divorcée, elle s’enfonce dans la dépression, elle boit, elle fume. Elle a l’impression d’avoir raté sa vie ou de ne l’avoir jamais réellement commencée. Les relations entre la mère et le fils sont tendues. Malgré les réticences de son ex-mari absent, Sibylle décide de renouer avec Samuel dans un voyage au Kirghizistan. Nonobstant les liens difficiles avec sa mère, Samuel comprend très vite qu’il n’a pas d’autre choix que d’accepter. Sybille lui tend une main, lui offre la possibilité d’une seconde chance, de faire autrement. Pourquoi le Kirghizistan ? Grâce à ses origines, Sybille parle russe. Les deux personnages partent alors découvrir le pays à cheval. Ils ne semblent pas voyager à deux mais plutôt l’un à côté de l’autre. Finalement, peu de paroles sont échangées entre les deux êtres. Ils laissent découvrir leur intériorité au lecteur, et à l’autre, à travers les latences des non-dits, les réflexions intérieures ou encore leurs émanations écrites ou musicales. Le livre pose la question de la relation mère-fils et de sa possible condamnation. Les deux personnages chevauchent de déceptions en déceptions, d’incessants reculs en retours en arrière.

Ecrire le désenchantement

Laurent Mauvignier écrit, contre toute attente, le désenchantement, l’avortement des rêves ambitieux.

Le point fort du roman réside dans sa lutte contre la tentation persistante de la facilité. Laurent Mauvignier écrit, contre toute attente, le désenchantement, l’avortement des rêves ambitieux. Sybille en avait beaucoup : écrire un livre, devenir chirurgienne… Et Samuel ne semble jamais en avoir eu. Ils incarnent deux générations : celle de ceux qui ont perdu leurs rêves et celle de ceux qui ne les ont jamais trouvés. Ce qui emporte la curiosité du lecteur c’est que ce roman représente un désenchantement pour lui aussi. Une certaine impression de fatalité le gagne peu à peu. Continuer n’est pas un roman d’apprentissage classique où les deux personnages, en se côtoyant, réapprendraient de façon linéaire, doucement, progressivement, à s’aimer. L’ouvrage est composé d’obstacles, d’erreurs de parcours et de reculs incessants. La relation mère-fils est désenchantée, elle fait un pas en avant pour plus vite en faire trois en arrière. Samuel ne devient pas un héros qui sortirait grandi des épreuves. C’est seulement à la fin, par sa précipitation aux péripéties, que son destin changera.

Ecrire la mort et la haine

Dans une ambiance de fin du monde, Sibylle tente de sauver la vie de Samuel en négligeant la sienne tandis que ce dernier ne cherche à sauver personne, sauf sa propre peau, quand il le faut.

Le livre comporte trois chapitres qui forment un triptyque : « Décider », « Peindre un cheval mort » et « Continuer ». Le titre concerne seulement la toute fin du roman, lancé comme une note d’espoir. Avant le dernier chapitre, surprenant et magistral, le livre est rempli de pulsions de mort, de haine. Dans une ambiance de fin du monde, Sibylle tente de sauver la vie de Samuel en négligeant la sienne tandis que ce dernier ne cherche à sauver personne, sauf sa propre peau, quand il le faut. Le voyage lui-même est dans la continuité d’un précédent voyage de Sibylle où la mort l’avait effleurée. Au Kirghizistan, les deux personnages tentent d’apprivoiser leur haine réciproque. Le danger, la violence et la mort tournent au-dessus de leurs têtes tels des vautours, auxquels s’ajoutent le mépris, l’incompréhension ou encore la pitié. Ce mélange explosif organise la relation dysfonctionnelle et handicapante de Sibylle et Samuel. Les explications tardives et le dénouement, surprenants et politiques, donnent tout son sens à l’ouvrage. Le lecteur comprend mieux les origines de cette haine qui réside dans les non-dits. Tout abandonner, partir loin pour repartir de zéro semblait être le projet de départ. Tout au long de l’œuvre, dans une écriture presque fataliste, l’auteur nous laisse penser que ce dessein est impossible et ne fait qu’anticiper une fin prévisible. Cette fin est toute autre. Nous vous laissons la découvrir.

Laure Besnier, zonecritique.com
 

Magistral. "Heroes" de David Bowie, va longtemps résonner à mes oreilles comme le lien invisible mais essentiel entre une mère et son fils, adolescent perdu dans la débâcle entraînée par le divorce de ses parents, l'inexplicable détresse de sa mère. Survient ce voyage quasi-initiatique, dangereux, fou au Kirghizistan qui va révéler le fils, Samuel... L'écriture est très belle, rythmée, sensuelle et minérale.

Lu en mai 2017 (Emprunté à la Médiathèque de Labarthe sur Lèze)