Films, Musiques & Livres

Nobelle : roman / Sophie Fontanel.- Paris : Robert Laffont, 2019

ISBN 978-2-221-22182-2 

Couverture illustrée : La baume, la piscine et l'escalier, Bernard Buffet, 1987

 

 

 

 

 

 

 

« En octobre dernier, quand, par un coup de téléphone, votre Académie a agité ses clochettes, c’est le nom de Magnus qui m’est venu en premier à l’esprit. Les choses naissent bien quelque part, et comment ne pas nous revoir, lui, le jeune garçon penché sur mes poèmes, et moi, au toupet illimité, qui le regardait lire... »
À l’occasion de son discours de réception du prix Nobel de littérature, Annette Comte se souvient de ses dix ans et de celui qui lui a donné l’envie d’écrire. Elle raconte, émerveillée, ce que le flamboyant Magnus fut pour elle – et il fut tout – l’été 1972, dans le sud de la France. Mais ce n’est qu’en osant, à Stockholm, revenir ainsi sur cette première et immense peine de coeur qu’Annette prendra la mesure de ce qu’un écrivain demande à l’amour.


 Autour du livre, Au fil de la presse...

Il y a des livres qui font immensément de bien. Sophie Fontanel, critique de mode, pétillante, riche d’humour paraît détenir un pouvoir rare. Celui de les écrire… D’ouvrage en ouvrage, (c’est son quinzième) elle ressuscite les souvenirs, fait revivre certaines époques. Je pense à La Vocation où elle mélangeait astucieusement la tragédie qui a frappé ses aïeules (venues d’Arménie) et les bienfaits et joies d’une intégration réussie sans jamais se départir de son humour.

Son récent roman raconte une naissance. Comment les mots viennent à l’esprit, comment l’envie, le désir de les jeter sur le papier prennent corps.

Avec Nobelle (le nom du prix féminisé sans doute) elle imagine Annette Comte, l’héroïne du roman qui vient d’obtenir le prix de Littérature et comme chacun sait, il faut faire un discours que les célèbres académiciens écouteront.

Ce discours ne sera sans doute pas celui escompté. Annette évoque ce qu’a déclenché chez elle l’annonce de la prestigieuse académie, un jour d’octobre… Une remontée dans le temps, peu ordinaire. Un été à Saint-Paul-de-Vence, les balbutiements des mots, la poésie venue au bout de la plume du stylo à encre reçu pour ses dix ans. Le premier poème écrit par Annette l’avait été pour l’enterrement du grand-père. Juchée sur une tombe, elle avait déclamé un texte louant le métier d’ébéniste (profession du grand-père) en disant c’est d’Aragon (qui ne devait rien connaître à l’ébénisterie). Adorable petite menteuse !

Cet été-là, en vacances, dans une maison prêtée par un éditeur (ami de son père imprimeur, éditeur, pas toujours sympathique) elle rencontre Magnus, le fils de l’éditeur. Ils ont le même âge. Des « bébés », mais une amitié amoureuse s’installe et les lie. Ses cheveux balayèrent ma bouche et il approcha son visage, tout près, jusqu’à poser son front sur le mien. (…) Rester front contre front, on avait un jour vu des biquettes le faire dans un enclos, au bord de la nationale. On avait trouvé cela comique. Une délicieuse découverte !

Ah, les cabrioles dans la piscine de Kléber, écrivain ! Un vieil homme bien mystérieux avant qu’on ne le découvre. Il a ce pouvoir des mots, bien rangés dans une machine à écrire flanquée dans le coin de sombre de la chambre où il réfléchit ou paresse, alors que l’éditeur attend le texte qui… que… En tout cas, il n’écrit pas, mais s’amuse et veille sur les deux enfants.

On ne lâche pas ce roman initiatique, cette marche vers l’écriture. Les enfants peuvent être précoces. Quelques années auparavant n’a-t-on pas été témoin des talents de poétesse d’une petite Minou Drouet (le livre lui est dédié) dont s’est moqué Jean Cocteau ? Tout comme l’éditeur, mais surtout pas Kléber…

Viendra le temps des déceptions amoureuses. L’irruption d’une rivale. Les enfants aussi ont des chagrins d’amour. Mais ce livre est une merveilleuse bouffée de soleil qui fait les peaux caramel et les esprits pétillants.
Lili Fischer (liliaufildespages)

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Premières phrases du livre :

 L'ours

"Je vais traverser ce lac."
Ce sont les derniers mots que me crie Anna cette nuit-là. Alors que je ne sais toujours pas d'où vient cette femme exactement, comment elle s'est retrouvée ici, au milieu de la Russie, elle disparaît dans le noir, le froid, l'étendue à peine visible d'un lac aux glaces aussi imprévisibles que mon cœur.

Lac

Dans la région, certains disent que je suis vivant : une entité avec ses désirs et sa part d'ombre, ses colères et son indulgence, ses états d'âme. La femme qui avance et enfonce ses pieds dans ma couverture de neige sait à qui elle se mesure. Si elle n'entend pas encore clairement ce qu'elle est venue chercher ici, elle perçoit le murmure de mes eaux, les craquements de mes glaces comme une vibration dans l'atmosphère, s'infusant en elle jusqu'aux nerfs.
Nous allons faire connaissance...

 


 

Un été à Saint-Paul-de-Vence en 1972, dans la peau d'une fillette de 10 ans qui découvre son don pour l'écriture et partage ses jeux d'enfant avec Magnus, un garçon qu'elle rencontre alors. Leur quotidien est fait de petits rites : cheminer à travers les ruelles jusqu'à la piscine d'un écrivain mystérieux, jouer dans l'eau, réaliser des prouesses sportives dans l'eau, savourer des pignons de pins tout frais… Une lecture très plaisante.

(Lu en février 2025, collection Médiathèque de Labarthe-sur-Lèze)