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Yellowstone : Série (USA), 5 saisons, 9, 10, 10, 10 et 14 épisodes d'environ 55 minutes chacun, 2018-2024

Création : Taylor Sheridan, John Linson 
scénario : Taylor Sheridan 
Réalisation : Stephen Kay, Taylor Sheridan, Guy Ferland, John Dahl, Christina Alexandra Voros 
Photographie : Ben Richardson 
Musique : Brian Tyler 
Montage : Evan Ahlgren, Chad Galster, Gary Roach 
Production :  John Linson, Art Linson, Taylor Sheridan, Kevin Costner, David C. Glasser 
Société de production : Linson Entertainment, Bosque Ranch Productions et Treehouse Films 
Diffusion : Paramount network 
Distribution : Kevin Costner : John Dutton III, le patriarche ; Danny Huston : Dan Jenkins ; Luke Grimes : Kayce Dutton, 4e enfnat Dutton ; Kelly Reilly : Bethany Dutton, 3e enfant Dutton ; Wes Bentley : Jamie Dutton, 2e enfant Dutton ; Cole Hauser : Rip Wheeler, l'homme de confiance de John Dutton ; Kelsey Asbille : Monica Dutton, épouse de Kayce ; Brecken Merril : Tate Dutton, fils de Kayce et Monica Dutton ; Jefferson White : Jimmy Hurdstrom, cowboy, jeune recrue du ranch ; Gil Birmingham : Thomas Rainwater, président des tribus confédérées de Broken Rock ; Denim Richard : Colby, cowboy au ranch Dutton ; Forrie J. Smith : Lloyd, cowboy âgé au ranch Dutton ; Ian Bohen : Ryan, cowboy au ranch Dutton ; Wendy Moniz : Lynelle Perry, gouverneure du Montana ; Moses Brings plenty : Mo, homme de confiance de Thomas Rainwater ; Michaela Conlin : Sarah Nguyen, journaliste ; Neal McDonough : Malcom Beck, homme d'affaire ; Travis Sheridan : Travis Wheatley, éleveur, cavalier, professionel des chevaux ; Andrea Fappani, éthologue (chevaux) ; 

Synopsis

  Dans le Montana, la famille Dutton possède le plus grand ranch des États-Unis près du parc national de Yellowstone. Menée par le patriarche John, un homme aux méthodes parfois expéditives, la famille se bat contre des politiciens et des promoteurs immobiliers, pour que l'on n'empiète pas sur ses terres, notamment pour une réserve indienne.

Dans la presse et au fil des blogs...

Yellowstone : la complexité des enjeux politiques américains en série


Depuis ses débuts en 2018, la série télévisée « Yellowstone », est devenue un incontournable du paysage médiatique américain. À première vue, « Yellowstone » peut sembler représenter un point de vue conservateur en raison de certains sujets abordés et de la personnalité virile de ses héros. Cependant, une analyse plus approfondie révèle une série qui transcende les catégories politiques traditionnelles pour offrir un portrait nuancé, mais réaliste, des divisions politiques aux États-Unis et invite à une réflexion plus profonde sur l’Amérique contemporaine. 
Depuis ses débuts en 2018, la série télévisée « Yellowstone », qui vient d’achever sa cinquième saison devant plus de 8 millions de téléspectateurs, est devenue un incontournable du paysage médiatique américain. Cependant, ce qui rend cette série vraiment captivante, c’est sa complexité politique. À première vue, « Yellowstone » peut sembler représenter un point de vue conservateur en raison de certains sujets abordés et de la personnalité virile de ses héros. Cependant, une analyse plus approfondie révèle une série qui transcende les catégories politiques traditionnelles pour offrir un portrait nuancé, mais réaliste, des divisions politiques aux États-Unis. Cette série, qui s’inscrit dans la tradition du western moderne, explore les conflits politiques et culturels dans le décor des vastes étendues du Montana, tout en remettant en question les stéréotypes et en invitant à une réflexion plus profonde sur l’Amérique contemporaine.

Une lutte acharnée pour les ressources et le contrôle des terres 
Au cœur de « Yellowstone », se trouve une bataille épique pour les ressources et le contrôle du Yellowstone Dutton Ranch, un thème central qui éclaire les complexités politiques de la série. Le personnage de John Dutton, incarné magistralement par Kevin Costner, est le patriarche incontesté de la famille Dutton et incarne une vision classique de la propriété privée et de la tradition. Sa détermination à maintenir le ranch familial, coûte que coûte, est un reflet des valeurs souvent associées à la droite américaine. Il représente l’archétype du propriétaire foncier traditionnel qui défend avec acharnement ses droits de propriété et résiste aux pressions extérieures. Cependant, la série ne se contente pas de présenter John Dutton comme le héros incontesté de cette lutte pour les ressources. Le personnage de Thomas Rainwater, un chef amérindien, apporte une perspective complexe et nuancée à ce conflit. Rainwater incarne une voix en faveur de la préservation de l’environnement et des droits des peuples autochtones, illustrant ainsi les tensions entre la conservation des ressources naturelles et la protection de l’environnement. Une préoccupation que ne partage pas John Dutton, lui qui ira jusqu’à faire sauter à la dynamite un flanc de montagne pour détourner le cours d’une rivière et ainsi empêcher un autre rival, le californien Dan Jenkins, développeur immobilier, d’y avoir accès. En présentant ces deux perspectives « Yellowstone » engage le spectateur dans une réflexion plus profonde sur des enjeux complexes et actuels, tout en évitant de prendre clairement position en faveur de l’un ou l’autre de ces conflits politiques.

La politique locale et la nécessité du compromis 
Au cœur de « Yellowstone », les interactions complexes entre la famille Dutton et les autorités locales sont longuement explorées. Cette dynamique politique met en lumière les dilemmes auxquels sont confrontés les responsables politiques locaux qui doivent jongler entre la préservation de la stabilité de la région et les intérêts privés, parfois en étant contraints de faire des compromis difficiles. L’un des personnages clefs de cette thématique est le gouverneur Lynelle Perry, un personnage politique influent, obligée de choisir entre les demandes de John Dutton, , et celles de Thomas Rainwater, le chef amérindien,. Cette situation reflète la réalité politique des régions rurales américaines, où les responsables politiques sont souvent pris entre le désir de favoriser le développement économique local, la protection de l’environnement et les droits des peuples autochtones. La série montre également l’influence significative des entreprises et les lobbys sur la politique locale. le personnage de Dan Jenkins qui tente d’exploiter les terres du ranch pour ses propres intérêts en est un bon exemple. Les relations entre les acteurs économiques, les responsables politiques locaux et les propriétaires fonciers créent un paysage politique complexe où les enjeux économiques, environnementaux et politiques sont étroitement entrelacés.

Le nationalisme et la famille, deux thèmes au coeur de la série 
Dans « Yellowstone », deux sujets essentiels se démarquent, chacun apportant une dimension profonde à l’histoire et à la caractérisation des personnages : le nationalisme et la famille. Au cœur de l’intrigue, le nationalisme et le patriotisme américains sont incarnés de manière puissante par certains protagonistes. Ils défendent ardemment leurs valeurs et leur mode de vie, tout en percevant les menaces extérieures comme des atteintes à l’intégrité de l’Amérique et de leur propre vision de la nation. John Dutton, en particulier, incarne ce sentiment. En tant que patriarche du Yellowstone Dutton Ranch, il est prêt à utiliser des moyens légaux et illégaux pour protéger sa terre, sa famille et ses traditions. Cette disposition à tout sacrifier pour défendre ce qu’il considère comme sa patrie personnelle peut être interprétée comme une réflexion sur les divisions politiques aux États-Unis, où le nationalisme peut être utilisé pour justifier des actions extrêmes au nom de la protection de l’identité culturelle et territoriale. Cependant, « Yellowstone » ne se contente pas de glorifier le nationalisme. La série présente également les opposants de John Dutton comme ayant des motivations valables pour leurs actions. Thomas Rainwater lutte pour la justice et les droits de sa communauté, tout en plaidant pour la préservation de l’environnement. Ces personnages ne sont pas dépeints comme des ennemis dénués de raisons valables, mais comme des acteurs engagés qui ont eux aussi une vision profondément patriotique de l’Amérique, mais qui diffère de celle de John Dutton.

La famille et sa place au sein de la société est également un thème abordé. Pour John, la famille est bien plus qu’une simple unité sociale ; elle est le fondement de son identité et de ses convictions. Son attachement profond à ses enfants – même s’il est incapable de le leur montrer – et à la préservation du ranch familial est un élément clé de son caractère. Son obsession de la famille se manifeste parfois de manière extrême, car il est prêt à tout pour protéger son héritage et ses proches, allant même jusqu’à recourir à la violence lorsque cela est nécessaire. Cette vision de la famille en tant que pilier sacré de la vie du patriarche évoque des valeurs conservatrices traditionnelles souvent associées à la droite, tout en ajoutant une dimension personnelle puissante à son personnage. Le conflit entre la protection de la famille et les défis extérieurs est un autre thème récurrent de la série, offrant une réflexion sur l’importance de la famille dans le contexte complexe de la politique et de la société contemporaine.

Un virilisme assumé ? 
« Yellowstone » présente un virilisme omniprésent parmi ses personnages masculins, créant ainsi un élément distinctif de la série. Les hommes forts, durs et déterminés, tels que John Dutton et son fils Kayce, sont des figures centrales de la série. Ce virilisme peut sembler, à première vue, rappeler l’archétype traditionnellement associé à la droite politique, où la force physique et la détermination sont valorisées comme des qualités masculines idéales. Située dans les vastes étendues du Montana, où les règles de la frontière semblent encore prévaloir, la série ne fait pas non plus mystère de l’importance des armes à feu dans la vie quotidienne de ses personnages masculins. Elles deviennent des symboles phalliques de pouvoir, de contrôle et de protection dans cet environnement brut et impitoyable. Les conflits sont souvent résolus par la force, que ce soit dans des confrontations violentes entre personnages ou dans la défense du Yellowstone Dutton Ranch. Cette omniprésence des armes à feu et de la violence physique souligne l’aspect sauvage du monde de « Yellowstone », tout en suscitant des réflexions sur la culture des armes aux États-Unis, un sujet politique brûlant dans la société contemporaine. La série pousse ainsi les spectateurs à s’interroger sur la place des armes dans la vie américaine et sur les conséquences de cette culture de la violence sur la politique et la société. Mais « Yellowstone » va au-delà des stéréotypes en présentant une diversité de personnages, chacun avec sa propre interprétation de la masculinité. Par exemple, Jamie Dutton, l’un des fils de John, est un avocat qui adopte une approche plus intellectuelle, progressiste et moins physique de la vie, remettant en question l’idée que la masculinité doit nécessairement être associée à la force physique. Cela reflète la manière dont la série déconstruit les stéréotypes de genre et explore différentes facettes de la masculinité. Un aspect encore plus puissant de cette dynamique est la présence de personnages féminins forts et complexes qui défient les stéréotypes de genre. Beth Dutton, la seule fille de John, incarne une féminité forte et indépendante. Elle est une femme d’affaires avisée, capable de rivaliser intellectuellement et émotionnellement avec n’importe quel homme de la série. Elle incarne la puissance féminine dans un monde souvent dominé par des hommes forts. Monica Dutton, la femme de Kayce, joue également un rôle significatif dans la déconstruction des stéréotypes de genre au sein de la série. Issue d’une culture amérindienne, elle apporte une perspective unique dans « Yellowstone ». Son caractère indépendant et déterminé s’inscrit dans la tradition de sa propre culture, où les femmes sont souvent des piliers de force au sein de leur communauté. Monica est une enseignante dévouée, cherchant à transmettre la sagesse de ses ancêtres aux jeunes générations, tout en équilibrant les défis de sa vie de famille. Son personnage défie le stéréotype de la femme passive et dépendante, montrant que la force féminine ne se limite pas à une seule perspective culturelle ou ethnique. Sa présence met en évidence l’importance de la diversité dans la représentation des femmes à l’écran et renforce l’idée que les qualités traditionnellement associées à la masculinité peuvent également être valorisées chez les femmes. En présentant cette diversité de personnages masculins et féminins, « Yellowstone » dépeint une vision plus complexe et nuancée de l’identité et de la masculinité, montrant que la force et la détermination ne sont pas l’apanage exclusif d’une orientation politique ou d’un genre. Cette représentation met en évidence l’importance de la diversité et de la nuance dans la caractérisation des personnages, contribuant ainsi à enrichir la profondeur de la série sur le plan politique et socioculturel.

La représentation de la diversité culturelle 
La diversité culturelle dans « Yellowstone » dépasse largement le simple décor de l’intrigue et les personnages. Elle constitue un élément fondamental qui enrichit la profondeur de la série et lui confère une dimension politique et culturelle cruciale. Au cœur de cette diversité se trouve la nation amérindienne Broken Rock, dont les interactions complexes avec les Dutton et le ranch forment un pilier central de la série. Cette représentation authentique d’une communauté autochtone est d’une importance capitale, car elle permet à « Yellowstone » de refléter la véritable mosaïque culturelle de la région du Montana. Les coutumes, les croyances et les traditions des Amérindiens sont présentées de manière respectueuse et fidèle, offrant ainsi au public un aperçu authentique de la richesse culturelle de ces communautés. Cela contribue à sensibiliser les téléspectateurs aux aspects culturels et historiques souvent négligés de la société américaine. Mais « Yellowstone » ne s’arrête pas à la simple représentation culturelle. La série aborde également de manière subtile les blessures historiques et les injustices que les peuples autochtones ont endurées aux États-Unis, en mettant en avant les conflits et les tensions entre la nation Broken Rock et les Dutton. Ces tensions sont le reflet de réalités profondes liées à la colonisation et à la perte de terres, des tragédies historiques qui ont profondément marqué les communautés autochtones. En donnant une voix à la nation amérindienne à travers des personnages tels que Thomas Rainwater et Monica Dutton, « Yellowstone » confronte le public à l’héritage colonial de l’Amérique et à ses répercussions actuelles sur les peuples autochtones. Cela incite les téléspectateurs à réfléchir à l’importance de reconnaître et de rectifier ces injustices historiques, tout en mettant en lumière la nécessité de lutter pour la justice et la réconciliation. Ainsi, la représentation de la diversité culturelle dans « Yellowstone » constitue un vecteur d’éducation et de sensibilisation, offrant une plateforme pour explorer les questions politiques et culturelles cruciales qui persistent dans la société américaine contemporaine.

Une série sur les divisions politiques au sein du peuple américain 
L’une des grandes forces de « Yellowstone » réside donc bien dans sa capacité à mettre en lumière les divisions politiques profondes qui traversent la société américaine contemporaine. La série offre un tableau riche et nuancé en présentant une variété d’opinions et de motivations politiques parmi ses personnages principaux. Cette approche permet aux spectateurs de plonger au cœur de la complexité des questions politiques auxquelles sont actuellement confrontés les États-Unis, tout en illustrant les conflits entre conservateurs et progressistes. La famille Dutton elle-même incarne ces divisions internes. John et ses enfants représentent un éventail de points de vue politiques, allant du conservatisme intransigeant à l’ouverture aux idées progressistes, certes dans une moindre mesure. Cette divergence d’opinions au sein de la famille reflète la réalité des différences politiques qui existent au sein de nombreux foyers américains. De plus, la série introduit des personnages extérieurs à la famille Dutton qui incarnent des perspectives politiques diamétralement opposées. L’approche de la série est d’autant plus puissante qu’elle évite de diaboliser les personnages ou les opinions opposées. Elle présente les motivations de chacun de manière crédible, montrant que les acteurs politiques ont des raisons valables pour leurs actions, même si elles diffèrent. Cette approche humanise les personnages et les opinions divergentes, invitant ainsi les spectateurs à réfléchir aux causes et aux conséquences de ces divisions politiques. « Yellowstone » ne peut être pleinement appréciée sans la prise en compte de son contexte temporel, qui correspond en grande partie à l’ère de la présidence de Donald Trump. La série offre un éclairage intéressant sur les conflits politiques qui ont caractérisé cette période, même si elle ne prend pas explicitement position sur la politique américaine contemporaine. L’ascension de Donald Trump à la présidence en 2016 a polarisé la société américaine, divisant le pays sur une série de questions allant de l’immigration à l’environnement en passant par l’économie. Ces divisions politiques ont souvent été marquées par un discours polarisant, caractérisé par des affrontements verbaux virulents et des luttes pour le contrôle du pouvoir. « Yellowstone » capture avec intelligence cet environnement politique tendu. Les luttes pour le contrôle des ressources naturelles, les conflits entre les propriétaires fonciers et les intérêts commerciaux, ainsi que les tensions entre les conservateurs et les progressistes, évoquent les débats politiques d’aujourd’hui et reflètent la réalité politique et socioculturelle des États-Unis à l’ère de Trump, alors que ce dernier souhaite se représenter à l’élection présidentielle de 2024.

En fin de compte, « Yellowstone » offre une exploration complexe de la politique, de la famille et de la société américaine contemporaine. Elle suscite des questions essentielles sur les valeurs, les compromis et les divisions qui façonnent l’Amérique d’aujourd’hui. Cette série captivante invite les spectateurs à réfléchir non seulement aux enjeux politiques, mais aussi à la manière dont la politique interagit avec les aspects les plus intimes de nos vies. Elle nous rappelle ainsi le pouvoir de la fiction pour éclairer et explorer les complexités du monde réel qui nous entoure. « Yellowstone » transcende également les clivages politiques et réunit les Américains de tous bords. Des études ont montré que son audience est divisée presque à parts égales entre les démocrates et les républicains. Comme l’a souligné Keith Cox, président de Paramount Network : « Juste parce que ça se passe dans le Montana et qu’il y a des éleveurs, les gens disent que c’est une série pour la droite républicaine. Mais maintenant, on s’aperçoit que c’est une série pour tout le monde. » Cette capacité à unir un public diversifié reflète l’attrait universel de la série et son pouvoir de transcender les lignes partisanes pour engager des conversations importantes sur l’Amérique contemporaine.

Mathieu Chéret, septembre 2023, in letempsdesruptures (blog)

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A propos du créateur de la série…
© Lorey Sebastian

Le prolifique Taylor Sheridan, showrunner et scénariste prodige de la série «Yellowstone»À l’heure où les nominations pour la 75e cérémonie des Primetime Emmy Awards viennent d’être annoncées, il est devenu presque habituel pour les séries de Taylor Sheridan d’être largement boudées. Ces dernières années, seule une poignée de nominations a été attribuée à Yellowstone (2018-2023) ainsi qu’à son premier spin-off 1883 (2021-2022) et ce, uniquement dans des catégories techniques. Dans le même ordre d’idées, une nomination pour les meilleures cascades a été accordée au spectaculaire Tulsa King (2022) avec Sylvester Stallone qu’il a aussi développé.

Il est désormais évident que le travail de Sheridan est en grande partie ignoré dans les grandes cérémonies, malgré son succès colossal. Interrogé par le Hollywood Reporter, l’auteur a simplement nié ce mépris, expliquant qu’il était plus important pour lui que ses séries aient un message qui puisse atteindre leur public. Toutefois, son véhément «You can keep your fucking award» (« Tu peux garder ton putain de prix ») trahit une certaine amertume à ce sujet.


 

© IMDb


Il occupe en effet une position rare dans le monde des séries. C’est un showrunner – une personne chargée de la direction d’une série – qui écrit en grande partie tous les épisodes lui-même. Pour Mayor of Kingstown (2021-2023), il s’est chargé de l’écriture de la première saison dans son intégralité, puis « seulement » des deux premiers épisodes de la seconde. Dans le cas de Yellowstone, on lui doit les 47 épisodes, ainsi que l’entièreté des deux premières saisons des séries parallèles 1883 et 1923 (2022).

Une telle productivité s’avère tout à fait exceptionnelle dans ce milieu. En temps normal, les séries sont conçues par des équipes de scénaristes, développant les histoires en collaboration avec le showrunner qui les oriente dans la direction à suivre. Les cas où une seule personne assume la quasi-totalité du processus sont rares. Les exceptions notables sont J. Michael Straczynski, figurant au générique de près d’une centaine d’épisodes de sa série de science-fiction Babylon 5 (1993-1998) – cas totalement inédit dans les années 1990 – ainsi que Michael Hirst et ses 90 épisodes de Vikings (2013-2020). Taylor Sheridan joue néanmoins seul dans sa propre catégorie : en plus d’écrire les scénarios, il produit certaines de ses séries, sans compter qu’il lui arrive parfois de passer devant la caméra.

La première vie de Taylor Sheridan

© IMDb


Né en 1969 en Caroline du Nord, Sheridan se destinait tout d’abord à devenir acteur. Il débute sa carrière en 1995 avec un rôle secondaire dans la série Walker, Texas Ranger (1993-2001), sans y rencontrer un succès satisfaisant. Il est par la suite invité à participer à quelques épisodes ici et là, mais, en plus de mener une vie difficile, ces rôles ne lui permettaient clairement pas de subvenir à ses besoins.

Il s’adonne maintenant à sa passion pour la comédie au sein de ses propres projets. On l’a notamment vu dans huit épisodes de Yellowstone dans le rôle de Travis Wheatley, ainsi que dans deux épisodes du préquel 1883 en offrant ses traits au personnage de Charles Goodnight. Quoiqu’il en soit, Sheridan passe désormais la majeure partie de son temps à l’écriture, après s’être rendu compte de ses talents. C’est ainsi qu’est née sa deuxième carrière, celle de scénariste.

Scénariste pour le cinéma 
Quels débuts fracassants ! Sheridan se fait remarquer en rédigeant le scénario du Sicario (2015) de Denis Villeneuve, un thriller d’action se déroulant à la frontière américano-mexicaine. Ce que l’auteur laisse déjà transparaître ici, c’est sa passion pour les westerns. Cependant, pas de cow-boys ou autres codes classiques du genre : il transpose les thèmes narratifs dans le monde contemporain.

Il réitère avec Comancheria (2016), Wind River (2017) et Sicario : la Guerre des Cartels (2018). Puis, vient le succès des séries, accompagné d’un changement de forme de ses récits conçus pour le cinéma. Car, si ni Sans aucun remords (2020), ni Ceux qui veulent ma mort (2021) ne furent des succès ou ne s’alignèrent sur ses préférences thématiques, le scénariste peut enfin se consacrer au genre du western à son passage sur le petit écran.

Aux commandes de sa propre franchise

© 2019 - Paramount Network


Yellowstone, avec Kevin Costner dans le rôle d’un patriarche confronté à des tentatives répétées de vol de ses terres, débarque sur les écrans en 2018. Si les critiques de la première saison étaient loin d’être enthousiasmantes, le public était tout de même au rendez-vous. Plus important encore, l’implication sans réserve de Sheridan à chaque étape de la production lui a permis de pleinement suivre sa propre vision. Étant donné que la série a finalement trouvé son public, on peut dire que cela en valait la peine. En outre, le succès s’est accru au fil du temps et les critiques ont retourné leur veste. Ce qui au départ pouvait ressembler à une version moderne de Dallas (1978-1991) s’est soudainement transformé en un récit épique de néo-western, parsemé de personnages ambivalents. En bref, Yellowstone a explosé.

Cela a définitivement fait de Sheridan une star de l’écriture, qui a dès lors non seulement produit deux préquels – dont l’un se poursuit avec une deuxième saison (et sans doute au-delà) – mais qui travaille également sur une suite. Il s’agissait d’une nécessité, Kevin Costner ayant quitté la série après cinq saisons. Le nouveau projet devrait poursuivre le récit avec Matthew McConaughey dans le rôle principal. Sheridan ne se concentre toutefois pas uniquement sur son univers de Yellowstone, puisqu’il a la chance d’être tout aussi reconnu pour son travail sur Mayor of Kingstown, série portée par Jeremy Renner, rencontré à l’occasion du film Wind River.


Vient ensuite Tulsa King, pour laquelle le scénariste ne s’est occupé que du premier épisode. La série mettant en scène Sylvester Stallone dans le rôle principal fut pratiquement créée du jour au lendemain. Le partenaire de production de Sheridan, David Glasser, avait mentionné en 2021 que Stallone avait toujours voulu jouer un gangster : « Taylor a alors commencé à mettre sur pied une histoire en environ une heure. Le lendemain à 16 heures, il m’a écrit pour que je vérifie mes mails. Et il était là : le script de l’épisode pilote de la série. C’était incroyable ».

Le duo présente le projet à Stallone dès le lundi suivant et tous trois se tournent alors vers Terence Winter, lauréat d’un Emmy Award, pour devenir le showrunner du projet. Ce dernier expliquera plus tard n’avoir rencontré Sheridan qu’une seule fois : « Il m’a dit : c’est ton bébé maintenant, j’ai juste le droit de visite ». Mais entretemps, faute aux fameuses divergences créatives, Winter a perdu la garde du bébé. Un autre showrunner prit le relais, tandis que Sheridan ne resta que producteur.

Toujours plus de travail ! 
Taylor Sheridan a aujourd’hui pas moins de quatre séries actives en production, mais cela ne lui suffit pas. Ses projets attirent également de très grandes stars, en témoigne la présence de Harrison Ford et Helen Mirren dans 1923, Sam Elliott dans 1883, ou encore et Zoe Saldana et Nicole Kidman dans son prochain projet Opérations Spéciales : Lioness (2023). La série racontera l’histoire d’une agente de la CIA et de sa lutte contre le terrorisme. Bien que développée par Sheridan, reste à savoir combien de scénarios de la première saison sont signés de sa main.

Comme si tout cela ne suffisait pas, il prépare également un nouveau spin-off de Yellowstone, titré 6666 et centré sur un ranch de chevaux dans l’ouest du Texas, une suite à sa série-phare, ainsi que Land Man, qui se concentrera sur le commerce du pétrole dans l’Ouest du Texas avec Billy Bob Thornton en protagoniste. Par ailleurs, l’auteur a trouvé le temps de rédiger le scénario du film Fast, dans lequel il y est question d’un officier des forces spéciales s’attaquant à des trafiquants de drogue protégés par la CIA. Enfin, sous sa casquette de producteur, il s’occupe de la mini-série Lawmen : Bass Reeves, mettant en lumière le premier marshal noir de l’Histoire des États-Unis. On y retrouvera David Oyelowo, dans le rôle-titre, et Dennis Quaid.

Comment parvient-il à s’en sortir avec une telle montagne de travail ? Même s’il est connu pour fréquemment s’isoler et se consacrer entièrement à l’écriture de nouvelles histoires, tout se passe à la vitesse de l’éclair ! Car Taylor Sheridan est un véritable bourreau de travail et c’est le public qui en sort gagnant de cette affaire. Le scénariste n’a en effet pas seulement façonné une franchise complexe en l’espace de quelques années, il a également bâti une œuvre déjà riche et complète qui se caractérise par sa modernisation du western et de ses mythes, alors que certains auraient pu penser qu’il s’agissait d’un genre mort et enterré. Entre ses mains et grâce à son sens de la réactualisation, le western renaît par le prisme du format sériel, sous son plus bel apparat. 
Peter Osteried, adapté de l’allemand par Damien Brodard sur cineman.ch

Série, mention spéciale à la photographie superbe : découverte du Montana ! Les principaux lieux de tournage, y compris l’iconique ranch Dutton, sont en réalité dans la région de Missoula, dans l’ouest du Montana, à plus de 3h de Bozeman et plus de 4 heures du parc national. Etonnant Kevin Costner qui incarne à merveille le complexe patriarche Dutton “à la barre” de son ranch, à la fois aimant et monstrueux d'autorité avec ses enfants.  
Les sherifs locaux sont totalement dépassés par les règlements de compte qui s'enchaînent inéluctablement. La Réserve indienne de Broken rock 
Vu en février 2025 (Paramount)