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Invasion Los Angeles
Invasion Los Angeles

film : science-fiction (Etats-Unis), titre original : They live, 90 min, 1988

Réalisation: John Carpenter

Scénario :John Carpenter (sous le pseudonyme Frank Armitage) d'après la nouvelle Les fascinateurs (Eight o'clock i the morning) de Ray Fararday Nelson)

Décors : Marvin March

Photographie : Gay B. Kibbe

Montage : Gib Jaffe et Frank E. JImenez

Musique : John Carpenter et Alan Howarth

Production : Larry J. franco

Sociétés de production : Larry Franco productions et ALive films

Sociétés de distribution : Universal pictures (Etats-Unis), Studiocanal (France)

Avec... Roddy Piper : John Nada, Keith David : Frank Armitage, Meg Foster : Holly Thompson, George Buck Flower : un SDF, Peter Jason : Gilbert, Raymond St. Jacques : le prêcheur de rue, Sy Richardson : le révolutionnaire noir, Susan Blanchard : l'ingénue à la réunion secrète, Norman Alden : le contremaître, Larry Franco : un voisin, Matt McColm : un policier (non crédité), Tommy Morrison : Dave, un résistant (non crédité), John Carpenter : la voix qui dit « Dormez » (non crédité)

 

Synopsis 

John Nada parcourt les routes à la recherche d'un emploi comme ouvrier sur les chantiers. Embauché à Los Angeles, il fait la connaissance de Frank Armitage qui lui propose de venir loger dans son bidonville. John va y découvrir une paire de lunettes de soleil hors du commun. Celles-ci permettent de voir le monde tel qu'il est réellement, à savoir gouverné par des extraterrestres à l'apparence humaine et maintenant la population dans un état apathique au moyen d'une propagande subliminale omniprésente. Après avoir tué à l'arme à feu quelques extra-terrestres, il s'efforce de convaincre Frank de la réalité de cette invasion. Tous deux entrent ensuite en contact avec un groupe de rebelles organisés et décidés à éradiquer les envahisseurs.

 

Dans la presse et au fil des blogs...

Signant le scénario sous le pseudonyme de Frank Armitage, John Carpenter adapte une nouvelle écrite en 1963 par le romancier beatnik Ray Faraday Nelson, en la transposant dans l’Amérique ultralibérale des années Reagan. Sous l’apparence d’un thriller de science-fiction paranoïaque, il orchestre un violent réquisitoire contre les yuppies, qui, en costume-cravate, règnent sans partage sur la finance et l’économie des États-Unis, à l’instar de ces aliens qui exploitent en parasites les ressources humaines et matérielles du pays. Décrivant une société cauchemardesque et transformée en État totalitaire, avec ses résistants et ses collabos, Invasion Los Angeles est le film d’un homme en colère. Du vrai cinéma prolétaire et libertaire.

Arte TV


 

Dans ce deuxième film tourné sous contrat avec Alive Film (après Prince des Ténèbres), Carpenter se met en tête d’exprimer sa pensée profonde à propos de la manière dont son pays est dirigé (nous sommes en 1988), et donc de choisir comme (anti)-héros, un gars venu de nulle part qui s’appelle John Nada (un clin d’oeil à l’Homme sans nom, personnage hantant nombre de westerns, si cher au réalisateur).
© 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.
Dès les premières images, le thème musical de Carpenter donne le ton.
Nous voyons Nada apparaître sur une voie ferrée, et le suivons tandis qu’il traverse la Cité des Anges avec son sac à dos ; il passe des beaux quartiers (la société consumériste) au bidonville de Justiceville, où vivent les laissés-pour-compte ayant encore une vision réaliste de la vie. Il trouve malgré tout un emploi précaire dans le bâtiment (seule corporation ayant besoin de gens non-qualifiés) et y fera la connaissance de Franck.
Nada voit une émission pirate sur le câble, dont le sujet est : "Eux qui décident pour tout le monde, eux qui uniformisent les pensées…" Et une étrange activité dans une ancienne église. Intrigué, il s’y rend et découvre que les chants perçus depuis l’extérieur ne sont qu’un enregistrement, et que des individus complotent quelque chose. Des verres solaires y sont également fabriqués… Le message diffusé illégalement semble nous renvoyer aux heures sombres de la Seconde Guerre mondiale et aux résistants et ce, appuyé par une réplique lorsque Nada ramène un adolescent dans un squat, et qu’un des occupants de lui dire négligemment : « c’est la troisième guerre mondiale, ou quoi ? »
Nada commence à comprendre que rien ne paraît tourner rond dans ce monde qu’il croyait connaître… La scène du déploiement de police dans le bidonville insiste un peu plus sur un certain fascisme latent, à savoir le nettoyage par le vide .
Puis il trouve ce fameux carton, rempli de lunettes solaires. Il en chausse une paire, et là l’image passe au N&B comme pour nous indiquer que la réalité sans fard se dévoile. Nada ne comprend rien à ce qui lui arrive, il lève les yeux sur une affiche grand format et s’y détache seulement sur fond blanc, le mot : obéis. Surpris, il les ôte et ne voit qu’une publicité quelconque. Lorsqu’il les remet c’est la même litanie sur tout ce qui l’entoure : affichage, couverture de magazines et pancartes dictent la même conduite à tenir : obéis, reste endormi, subis, consomme… De l’imagerie subliminale poussée à l’extrême.
JPEG© 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.
Mais notre homme n’est pas au bout de ses surprises ! En effet, il s’aperçoit avec horreur que l’homme qui est à côté de lui n’a que peu de rapport avec un être humain : écorché vif avec de gros yeux argentés… « Ils » se cachent donc parmi nous et tentent de nous donner le change.
S’ensuit une scène où Nada se brouille avec une vieille dame (un envahisseur,en fait) et celle-ci de dire dans sa montre-émetteur : « en voilà un qui voit » (traduction : en voilà un qui pense par lui-même). Tout l’enjeu pour Nada sera d’ouvrir les yeux à ceux qui en sont encore capables. Et il se rendra compte que ce n’est pas chose aisée. Au cours d’une bagarre homérique, il essaiera de convaincre son ami Franck Armitage du danger. A noter que Franck Armitage est le pseudo qu’utilisa Carpenter pour signer le scénario .
© 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.
Comme souvent chez Carpenter, pas de happy end et il se fait plaisir encore une fois (après le final fuck de New York 1997/Escape from New York en 1981 et celui postérieur de Los Angeles 2013/Escape from L.A en 1996), lorsque Nada détruit le transmetteur et que les E.T apparaissent sous leurs vraies formes, à la T.V et dans le lit d’une femme, mais surtout lorsque un flic tire sur lui depuis un hélicoptère : nous voyons Nada tendre le majeur, un sourire ironique aux lèvres.
Carpenter a beau dire qu’il n’a réalisé ici qu’un film d’action (ce que corrobore la bande-annonce axée sur les fusillades et explosions), il s’agit pourtant bien encore d’une satire sociale, dont notre Jean Charpentier se fait le chantre !
Gardez l’œil aux aguets, car peut-être sont-’Ils" déjà parmi nous !


© 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.

Romain Blondeau (avoir-alire.com)

 

Vu en juin 2021 (Arte TV)