(Drame, Etats-Unis, 2018, 143 min)
Réalisation : Paul Greengrass
Scénario : Paul Greengrass, d'après l'ouvrage En av oss d'Åsne Seierstad
Direction artistique : Marius Winje Brustad
Décors : Liv Ask
Costumes : Margrét Einarsdóttir
Photographie : Pål Ulvik Rokseth
Montage : William Goldenberg
Musique : Sune Martin
Production : Eli Bush, Gregory Goodman, Paul Greengrass et Scott Rudin
Producteur délégué : Chris Carreras Producteurs exécutifs : Finni Johannsson et Tor Arne Øvrebø
Société de production : Scott Rudin Productions
Société de distribution : Netflix
Avec : Anders Danielsen Lie (VF : Julien Allouf) : Anders Behring Breivik, Jon Øigarden (en) (VF : Arnaud Bedouët) : Geir Lippestad, Thorbjørn Harr : Sveinn Are Hanssen, Jonas Strand Gravli (VF : Benjamin Jungers) : Viljar Hanssen, Ola G. Furuseth : Jens Stoltenberg, Ulrikke Hansen Døvigen (en) : Inga Bejer Engh (en), Isak Bakli Aglen : Torje Hanssen, Maria Bock (no) (VF : Stéphanie Lafforgue) : Christin Kristoffersen, Tone Danielsen (en) : le juge Wenche Arntzen, Sonja Sofie Sinding : Lycke Lippestad, Turid Gunnes : Mette Larsen, Kenan Ibrahamefendic : Dr Kolberg, Monica Borg Fure : Monica Bøsei, Ingrid Enger Damon : Alexandra Bech Gjørv (en), Seda Witt (VF : Nastassja Girard) : Lara Rashid, Anja Maria Svenkerud : Siv Hallgren, Hasse Lindmo (VF : Laurent Maurel) : Svein Holden (en)
La véritable histoire de l'attaque terroriste la plus meurtrière jamais perpétrée en Norvège. Le 22 juillet 2011, 77 personnes sont tuées lorsqu'un ultranationaliste d'extrême droite fait exploser une bombe artisanale placée dans une voiture à Oslo avant de commettre une fusillade dans un camp d'été de jeunes. À travers le combat physique et psychologique d'un jeune survivant, "Un 22 Juillet" décrit un pays qui tente tant bien que mal de surmonter le drame et de panser ses plaies.
Le 22 juillet 2011, une bombe explose près du siège du gouvernement norvégien à Oslo. Elle tue huit personnes et fait quinze blessés.
L’attaque sur l’île d’Utøya se produit environ deux heures plus tard, dans un camp d’été organisé par la Ligue des jeunes travaillistes où sont réunies quelques 500 personnes ; la plupart sont des adolescents âgés de moins de dix-huit ans.
Un tireur armé vêtu d’une fausse tenue de policier ouvre le feu sur les campeurs, tuant soixante-neuf jeunes personnes et un policier. Les attaques ont été perpétrées par un seul homme, Anders Behring Breivik, un militant d’extrême droite. Après l’intervention de la police, il revendique immédiatement les faits.
Au cours de l’interrogatoire et dans sa déclaration au tribunal d’Oslo, Breivik explique à la justice avoir voulu détruire le Parti travailliste du chef du gouvernement Jens Stoltenberg, et plus particulièrement éliminer ses futurs cadres. Il dit avoir initialement souhaité tuer la dirigeante travailliste Gro Harlem Brundtland, qui a dirigé à trois reprises le gouvernement norvégien entre 1981 et 1996. Cependant, elle avait déjà quitté Utøya après avoir prononcé un discours devant les jeunes de son parti.
Breivik confie qu’en s’en prenant à ce camp d’été il avait procédé « à une attaque préventive » contre ceux qui, plus tard, « auraient trahi la Norvège ». Il considère avoir « agi au nom de la légitime défense, pour empêcher l'islamisation de [son] pays ». Le 24 août 2012, à l’issue d’un procès où il multiplie les révélations, il est jugé responsable de ses actes et condamné à la peine indéterminée, soit 21 ans de prison avec un minimum de 10 ans de réclusion, la peine maximale en Norvège.
Pour Netflix, Paul Greengrass retrace le double attentat perpétré par le militant d’extrême droite Anders Behring Breivik.
Une des scènes du film de Paul Greengrass, « 22 July », sur le double attentat perpétré par Anders Behring Breivik en Norvège en juillet 2011. NETFLIX
Paul Greengrass, qui se plaît à répéter que l’une des grandes missions du cinéma est de divertir – ce à quoi il s’est appliqué avec La Mort dans la peau (2004) et La Vengeance dans la peau (2007) –, s’attache, tous les trois ou quatre ans, à en servir une autre, qu’il juge tout aussi nécessaire. Celle-là consiste à tendre un miroir au monde pour ouvrir les consciences. Bloody Sunday (en 2002, sur la tuerie en Irlande du Nord de 1972), Vol 93 (en 2006, autour du 11-Septembre 2001), Green Zone (en 2010, à propos de l’engagement américain en Irak), Capitaine Phillips (en 2013, sur la piraterie au large de la Somalie) témoignent de cette volonté. Tout comme 22 July, le dernier long-métrage du cinéaste britannique, présenté en septembre à la Mostra de Venise, à découvrir sur Netflix. Un film rude, soucieux des faits et de leur exactitude, qui retrace le double attentat perpétré par Anders Behring Breivik, le 22 juillet 2011, en Norvège.
Ce jour-là, cet ultranationaliste d’extrême droite, âgé de 32 ans, fait exploser une bombe dans le quartier des ministères à Oslo, causant huit morts, puis se rend aussitôt après dans un camp d’été de jeunes militants travaillistes sur l’île d’Utoya où il tue soixante-neuf personnes. 22 July débute sur ces scènes de tueries auxquelles le cinéaste réserve un temps suffisant pour rendre insoutenable la fureur et le bain de sang qui en résulte ; mais un temps sans excès, dont une des vertus est de tenir l’insoutenable à bonne distance de la démonstration propagandiste.
Car la tragédie qu’il rapporte n’est ni le dessein ni la fin du film. Elle en est le début, l’ancrage pour mener une réflexion, interroger la montée des extrémismes nationalistes à laquelle ont à faire face, aujourd’hui, les démocraties. Et saisir la façon dont un pays, la Norvège, a su réagir à la menace. 22 July s’attelle à cette tâche à travers l’histoire d’une famille meurtrie par les attentats (et ayant existé), dont l’un des fils est revenu gravement blessé. Mais aussi à travers le long procès d’Anders Behring Breivik, d’abord diagnostiqué schizophrène par deux psychiatres mandatés avant d’être jugé pénalement responsable par une contre-expertise, obtenue sous la pression de l’opinion publique.
C’est avant tout ce procès qui détermine le ton du film, définit sa forme et conduit au discernement d’une problématique sur laquelle le cinéaste se garde bien de porter un jugement. Didactique dans le soin qu’il apporte à la justesse des faits, et dans l’équilibre qu’il entretient entre l’émotionnel et le rationnel, Paul Greengrass fournit les clés pour savoir précisément ce qui s’est passé. Il s’est appuyé sur le livre de la journaliste norvégienne Asne Seierstad, One of Us : The Story of an Attack in Norway – and Its Aftermath (Virago, 2016, non traduit), et sur la parole de victimes rencontrées par l’intermédiaire d’une association de soutien aux familles.
Il rend compte de tout cela avec une extrême rigueur, à travers une direction d’acteurs juste et une mise en scène qui tient la barre droite. Le cinéma y trouve la voie de son engagement. Autant que Paul Greengrass, le moyen d’interroger les démocraties sur les arguments qu’il est désormais urgent, pour elles, de trouver, pour combattre les courants nationalistes.
(Le Monde, Véronique Cauhapé)
Peut-on réaliser des fictions sur des faits dont les protagonistes sont encore vivants ? La question est vieille comme l’art et se pose avec d’autant plus d’acuité avec les attentats terroristes de ces vingt dernières années. Or, Paul Greengrass (Jason Bourne, Green Zone, Capitaine Phillips), s’était essayé à l’exercice avec Vol 93 (2006), relevant le défi de réaliser la première fiction inspirée du 11 septembre. Le film a donné une reconstitution quasi-clinique, évitant piège du chauvinisme que sous-tend un sujet aussi casse-gueule. Alors, quand Greengrass réalise pour Netflix une fiction sur la tuerie d’Utøya, on est curieux. Piqûre de rappel au cas où : le 22 juillet 2011, le néonazi norvégien Anders Behring Breivik fait exploser une bombe artisanale dans le quartier des ministères d’Oslo, puis se rend sur l’île d’Utøya où se déroule un camp de jeunes du Parti travailliste norvégien. Déguisé en policier et lourdement armé, il assassine 67 personnes avant de se rendre à la police. Avec 77 morts et plus de 300 blessés au total, il s’agit de l’un des attentats terroristes les plus meurtriers en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Breivik est incarcéré depuis 2012. Un 22 Juillet se présente d’emblée comme une reconstitution minutieuse, presque aussi froide et sombre que sa photographie : à l’instar d’un jeu d’échecs, les pions de la tragédie se mettent en place. On voit d’abord Breivik (Anders Danielsen Lie, remarqué dans Oslo, 31 août et Fidelio) préparer silencieusement ses bombes ; Vijlar et Torje Hanssen (Jonas Strand Gravli, Isak Bakli Aglen), deux frères, fils d’une candidate à la mairie de Svalbard, qui débarquent sur l’île, fous de joie de retrouver leurs copains ; Jens Stoltenberg (Ola G. Furuseth), le Premier ministre de l’époque.
L’histoire se concentre sur eux pour narrer les évènements. La scène du massacre arrive très vite et se révèle totalement terrifiante, alternant entre la panique des adolescents et Breivik, avançant tel un Terminator implacable, tuant sans aucune expression, ne sortant de son silence que pour beugler des insultes contre ses victimes. Et quand il se rend, seule une demi-heure est passée. Car le plus gros d’Un 22 Juillet se concentre sur l’après. C’est là où on n’attendait pas le réalisateur de films d’action, et c’est son coup de génie. Trois récits et trois problématiques convergent alors. Pour le Premier ministre, une telle attaque aurait-elle pu être évitée? Breivik est-il fou et donc responsable de ses actions ? Et pour la famille Hanssen, comment tout simplement survivre ?
Du côté de la famille, c’est un combat intimiste, qui reconstitue la douleur, le traumatisme, l’attente et l’angoisse. Cette partie rend leur parole aux victimes des attentats, aux vies inexorablement détruites, qui continuent à tenter de vivre, à travers leurs culpabilités, leurs cauchemars, leurs peurs, leurs croyances en leurs valeurs, leurs tentations de sombrer dans la haine, et la rééducation. La victime se reconstruit pour pouvoir faire face à la vie et à son bourreau. On aurait pu se contenter du portrait du terroriste dont tout le monde connaît le nom, ou le Premier ministre devenu homme d’État, qui se concentre sur le « plus jamais ça ». Greengrass ne tombe pas dans les pièges.
De même, il aurait été trop facile de représenter Breivik en simple monstre, l’antithèse de la jeunesse multiculturelle et optimiste qu’il a attaquée. Il devient un vantard imbu de lui-même dont on ne sait pas s’il est fou ou juste fanatique. il se permet des petites blagues et va jusqu’à réclamer un médecin car il a peur de s’être infecté avec les projections d’éclats de crâne. Il est lunaire, obnubilé par sa grandeur, persuadé de son bon droit, n’obéissant qu’à sa propre logique. Et c’est ce qui le rend d’autant plus terrifiant. Face à lui, son avocat, Geir Lippestad (Jon Øigarden), homme de gauche et fier de l’être, très loin d’approuver les actions de son client, et qui doit malgré tout remplir son devoir, tout en évitant que le procès de Breivik ne soit l’occasion pour lui de faire son propre spectacle.
Un bémol cependant. Malgré un casting et une équipe technique quasi-exclusivement scandinaves, des événements s’étant déroulés en Norvège, le film a été tourné en anglais. Là encore, il s’agit d’un choix délibéré du réalisateur, d’après Anders Danielsen Lie : « Sa mission était de voir Un 22 Juillet comme une histoire locale avec un message global ». Car des individus partageant les idées de Breivik existent. D’ailleurs, difficile de ne pas y avoir un message contre l’alt-right américaine… En montrant dans leur contexte, sans omettre les victimes, toute l’horreur qu’a déchaînée ses actes, sur une plate-forme à l’échelle mondiale comme Netflix, c’est un message que Paul Greengrass leur adresse. Un message de résilience, de force, et de prévention. Ainsi, Paul Greengrass signe l’un des meilleurs films Netflix et sans doute de l’année.
Arthur de Boutiny, www.cinechronicle.com
Film magistral sur l'attaque terroriste perpétrée à Oslo et sur l’île d’Utøya par un Norvégien ultra-nationalist, et sur le procès qui suit. Le film met en lumière l'extrême rigueur de la police et de la justice norvégienne, ainsi que la simplicité et l'humilité des personnalités politiques au pouvoir en Norvège devant l'abjection faite homme.
Vu en mars 2019 (Netflix)