L'art de perdre
L'art de perdre / Alice Zeniter .- Paris : Flammarion / Albin Michel, 2017
L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoirefamiliale qui jamais ne lui a été racontée ?
Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?
Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l’Algérie, des générations successives d’une famille prisonnière d’un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d’être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.présentation de l'éditeur
Citation de la poétesse Elizabeth Bishop, p.496 :
" Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître,
tant de choses semblent si pleines d'envie
d'être perdues que leur perte n'est pas un désastre.
Perds chaque jour quelque chose. L'affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l'heure gâchée qui suit.
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
Puis entraîne-toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes : aux endroits, aux noms, aux lieux où tu fis
le projet d'aller. Rien là que soit un désastre.
J'ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l'avant-dernière des trois maisons aimées : partie !
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
J'ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,
des royaumes que j'avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n'y eut pas là de désastre. "
Lu en mars 2019 (collection Médiathèque de Labarthe sur Lèze, Marianne)