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Rocher de Brighton
 

Rocher de Brighton [titre original : Brighton rock] / Graham Greene, trad. de l'anglais par Marcelle Sibon.- Paris : Robert Laffont, 2016 (Collection Pavillon poche)

(première édition originale : 1938)

 

 

 

 

Pinkie Brown, jeune bandit de dix-sept ans à la cruauté sadique et au charme envoûtant, est prêt à tout pour venger le meurtre de Kite, le chef de son gang… y compris à épouser Rose, serveuse naïve et sans grâce. Son but est d’empêcher la jeune fille de témoigner contre lui dans l’affaire de la disparition d’un journaliste soupçonné d’avoir assassiné Kite.
Lorsque Ida Arnold, séduite par le journaliste juste avant sa disparition, décide de stopper les agissements meurtriers de Pinkie, une course contre la montre s’engage.
Entre les personnages hauts en couleur qui dominent l’histoire se joue un drame de vengeance, de férocité et de mort.
Graham Greene a toujours avoué son penchant pour ce roman paru en 1938, mi-thriller, mi-fable morale, qu’il considérait comme l’un de ses meilleurs.

présentation de l'éditeur


 Articles au fil de la presse...

 

Avec "Brighton Rock", paru en 1938, Graham Greene révélait la face interlope de la station balnéaire anglaise, pourtant très prisée des familles. Une identité double, un mélange de grâce et de péché qui fascinait l'écrivain britannique. Qu'est devenue cette ville ? Retour à Brighton.

Ce sont ses dernières minutes à vivre, mais il ne le sait pas encore. Ce journaliste, qui descend la Queen's Road en sortant du train de Londres, a eu le tort de revenir là où il peut être reconnu par les hommes de la bande à Pinkie Brown. Dans ce film de John Boulting (Brighton Rock, 1947), Brighton est la ville du meurtre, celle où les bandes rivales jouent du rasoir. Il a fallu négocier ferme pour le tournage, car autorités et notables ne voyaient pas d'un bon œil un film qui ne montrait pas la station balnéaire sous son jour le plus avantageux. Graham Greene (1904-1991), qui a coécrit le scénario, n'en fut d'ailleurs guère étonné : « Se seraient-ils formalisés davantage, écrit-il dans Les Chemins de l'évasion (1980), s'ils avaient su qu'en réalité la description de Brighton avait été, de ma part, œuvre d'amour et non de haine ? Aucune ville avant guerre, pas plus Londres que Paris ou Oxford, n'exerçait sur moi une telle emprise sentimentale. »

“Si Brighton a toujours attiré 
les familles, elle a aussi toujours 
caché ses zones interlopes.”
Geoffrey Mead, universitaire

Si Brighton Rock est aussi resté dans les mémoires dans la longue bibliographie de l'auteur – plus d'une trentaine de livres –, c'est aussi parce que l'on y a vu une œuvre charnière, celle d'un homme converti au catholicisme en 1926. Or, « depuis le Rocher de Brighton, écrivait-il dans Les Chemins de l'évasion, j'ai été obligé de déclarer à de nombreuses reprises que je n'étais pas un écrivain catholique, mais un écrivain qui se trouve être catholique. » Brighton Rock, prototype presque parfait de ce qu'on a appelé le « greeneland », autre expression qu'il a réfutée, rassemble à la fois l'univers souterrain et à intrigue que Greene affectionnait et les thématiques qui lui étaient chères : la grâce et le péché, la souffrance sociale et la sexualité, la lutte entre le bien et le mal.

Le mal ? Dans Brighton Rock, c'est Pinkie Brown, le « gamin », chef de bande de 17 ans, flottant dans un costume trop large, sorte de petit format haineux au visage hermétique. Il arrache les pattes des mouches et joue du rasoir, est orgueilleux à l'extrême et, pris de nausée à la moindre allusion sexuelle, ne cache que difficilement sa répugnance pour le « jeu » amoureux et tout contact charnel. Entouré de ses sbires, Cubitt, Spicer et Dallow, il sillonne les rues de Brighton et jalouse Colleoni, chef d'une bande rivale.

Le bien ? Disons la candeur et l'innocence, c'est Rose, 16 ans, aveuglément amoureuse de Pinkie. Pour nuancer ce tableau trop évident, Ida vient s'interposer : un peu alcoolique, un peu trop offerte, elle incarne une forme de rédemption en voulant sauver Rose des pattes du petit malfrat. Quant à la ville, elle est ensoleillée et joyeuse, ou pluvieuse et inquiétante, à la fois paradis estival et enfer moral. Toujours ambivalente, comme elle le fut encore dans les années suivantes quand les mods et les rockeurs, « troublemakers », comme disaient les actualités, s'affrontaient à coups de transats.

Les dactylos, les vendeuses et les coiffeuses 
qui “attendaient qu'on les ramasse”, comme écrivait 
Graham Greene, sont peut-être toujours là.

En cette mi-juillet, la plage est presque déserte, balayée par un vent violent et battue par une mer verte crachant écume et embruns. Le spectre du West Pier, vestige calciné du XIXe siècle, a l'apparence d'une immense cage à oiseaux anthracite. L'autre jetée, le Brighton Pier, est toujours illuminée et attire les touristes. Les bandes d'aujourd'hui n'ont rien d'un film noir et blanc. Vers six heures du soir, des grappes de filles en débardeur fluo, juchées sur des talons hauts comme des échasses, avancent dans le vent derrière leurs poings serrés pour se protéger le visage ; des hordes d'écoliers espagnols se déplacent en dévorant les doughnuts achetés aux baraques du Brighton Pier, surveillées par des mouettes à l'affût.

La fête bat son plein : une musulmane voilée crie de peur (ou de joie) dans un wagonnet tournoyant, et les pubs bruissent de rires et d'éclats de voix. Romance et bière. Les dactylos, les vendeuses et les coiffeuses qui « attendaient qu'on les ramasse », comme écrivait Graham Greene, sont peut-être toujours là, déambulant devant les hôtels victoriens par deux ou trois avec leurs épaisses nattes aux reflets de cuivre. A moins qu'elles n'aient laissé la place à ces promeneuses solitaires qui marchent sac à dos et appareil photo en bandoulière, regards tournés vers la mer plutôt que vers les quelques punks bien tranquilles dont les chevelures griffées sont les seules aspérités menaçantes. Les airs aussi ont changé. Ce ne sont plus les rythmes des Who ni des Stray Cats, qui ont chanté Brighton, mais ceux, plus saccadés, de Rihanna, dont les « Na na na na na come on » giclent des voitures jusque tard dans la nuit.

“C'est aux marges des sociétés qu'on en sent 
l'amplitude, c'est dans leur paroxysme qu'on 
comprend les mouvements de l'homme.” 
Graham Greene

La dégaine de Pinkie, on peut la retrouver dans les boutiques de mode ou de surplus vintage, près de Kensington Street, où les promeneurs chinent des tee-shirts ou des robes tamponnées années 1960. Non loin du Royal Pavilion, l'invraisemblable meringue architecturale construite au début du XIXe siècle, se trouvent encore les bâtiments prolétaires de Milner Flats, là où certains immigrés anglicisent leur nom pour trouver du travail. « Les écrivains le savent, déclarait Graham Greene à Téléramaen avril 1983, c'est aux marges des sociétés qu'on en sent l'amplitude, c'est dans leur paroxysme qu'on comprend les mouvements de l'homme. » En cherchant bien, son Brighton est toujours là, obscur et phosphorescent, bruyant et chuchotant. Le romancier avait bien choisi sa ville.

Gilles Heuré (Télérama)


 

 

 

Roman noir. Brighton est la toile de fond d'un drame. Il y est question de jeunes gens vivant dans la misère pécuniaire et affective, la peur de la sexualité,... aspirant à gagner qui un peu de soleil, qui un peu d'amour. L'auteur sème des petits cailloux dans son intrigue policière : le Rocher de Brighton, sucrerie typique de la ville britannique, le disque vinyle que l'on enregistre sur la promenade balnéaire pour les 'souvenirs'. Boulogne qui scintille au loin, sur la côte française. La misère côtoie aussi bien la pègre que les Londoniens en villégiature

Lu en novembre 2018 (collection Médiathèque de Labarthe sur Lèze, Marianne)